Yaacov Cohen
Expert accessibilité
Prestataire à la Direction interministérielle du Numérique (DINUM)
L’accès des citoyens à leurs droits, le bon fonctionnement de l’administration et la transformation de l’action publique dépendent pour une large part de la qualité des services numériques que l’État est en mesure d’offrir à ses usagers (plus de détails dans notre article). Pour cela, les métiers du design et de l’accessibilité sont indispensables, mais ils restent souvent mal connus ou mal mis en œuvre. Pour les incarner, nous donnons la parole à nos expertes et experts.
Aujourd’hui, Yaacov Cohen, expert accessibilité (centré sur le développement).
Quel est ton parcours ?
Après des études d’ingénieur orienté multimedia (oui, plus personne n’utilise ce mot aujourd’hui), j’ai commencé à travailler en tant que développeur vers 2005, dans différents secteurs : d’abord les jeux vidéo, l’animation 3D, puis dans des entreprises de services numériques. J’ai participé au développement d’applications web et mobiles – en flash à l’époque – en m’orientant petit à petit dans les interfaces pour les télévisions connectées (set-top-box), chez des opérateurs téléphoniques comme Bouygues, ou des sociétés comme Thomson.
En 2009 j’ai rejoint la société Netgem, chez qui je suis resté 6 ans, dont 3 à Sydney en Australie. J’ai notamment participé au développement des interfaces de la box Telstra, premier opérateur téléphonique en Australie.
À mon retour en France, j’ai décidé de monter une entreprise de développement web avec deux anciens collègues (Good Impact). Nous avions tous les trois à cœur de mettre nos compétences au profit de projets qui nous semblaient avoir plus de sens que la télévision numérique. Ainsi, nous nous sommes associés en coopérative et avons cherché à accompagner les entreprises de l’économie sociale et solidaire, en prônant un numérique plus respectueux de l’environnement (écoconception) et plus inclusif.
Pendant 3 ans, nous avons beaucoup travaillé et beaucoup appris. Le sujet de l’accessibilité numérique est rapidement devenu une évidence pour nous. Ainsi, nous avons fait nos premières armes en développant le portail de Koena (société de conseil en accessibilité).
En 2020, je vois une annonce pour le Commando UX de la DINUM. Je postule et je suis pris. Je passe ainsi 7 mois au sein de la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) pour les accompagner sur la mise en accessibilité du service de gestion du prélèvement à la source. J’intègre alors une équipe formidable, dirigée à l’époque par Marine Boudeau. Depuis 2021, je travaille en tant qu’indépendant pour cette même équipe, désormais appelée Brigade interministérielle du numérique. Nous travaillons à un niveau interministériel, en support aux équipes s’occupant des démarches en lignes les plus utilisées par les français. J’accompagne ces équipes sur l’accessibilité de leurs démarches, en réalisant des audits, et en les accompagnant plus concrètement sur la correction des anomalies dans le code. Je travaille aussi en collaboration avec les designers en vérifiant et en annotant les maquettes de conception.
Ta mission, c’est quoi pour toi ?
Ma mission s’apparente au final à de la formation. Car si aujourd’hui beaucoup de personnes sont sensibilisées au sujet de l’accessibilité, peu ont encore fait le pas de l’inscrire comme un pilier indispensable à la conception de service numérique. Avec ma casquette de développeur, je transmets mon expertise aux développeurs mais aussi aux autres parties prenantes. En animant des ateliers de formation, comme par exemple pour rendre accessibles les PDFs, je participe aussi à une veille sur l’évolution des outils et pratiques de mise en accessibilité.
À quoi ressemblent tes activités types ?
Lorsque j’accompagne des équipes sur le développement d’applications accessibles, je vais au-delà du simple constat d’anomalie : je mets les mains dans le cambouis et je propose des solutions concrètes sous forme de code HTML, CSS et Javascript. Les composants web que je propose se doivent, la plupart du temps, de respecter le Système de design de l’État (DSFR), et ils doivent être codés de façon à être correctement restitués à tous les usagers, notamment ceux en situation de handicap. Quand j’anime un atelier de formation, je mets ma casquette d’expert et je peux conseiller les développeurs sur des solutions.
Le projet qui t’a le plus marqué et pourquoi ?
L’année dernière j’ai eu la chance de travailler sur la plateforme Parcoursup (celle en mode connecté). L’équipe de ce Service à Compétence Nationale (SCN) a eu besoin de renfort sur le développement de composants d’interface utilisateur. Ils voulaient par la même occasion améliorer l’accessibilité de la plateforme mais étaient peu formés sur ce sujet. Je me suis donc intégré à l’équipe, en me déplaçant de temps en temps sur place à Toulouse, pour les conseiller et développer à leurs côtés des composants accessibles et conformes au DSFR, notamment sur le moteur de recherche de formation (qui a encore évolué depuis).
Ils ont également eu le droit à un atelier de sensibilisation à l’accessibilité numérique.
Je garde un très bon souvenir de cette période :
- très bien accueilli
- j’ai eu le sentiment d’avoir été utile et productif
Travailler sur Parcoursup, c’est avoir un impact direct sur près d’un million d’élèves à une période clé de leur scolarité, ce n’est pas rien !
Un service public en ligne que tu aimes particulièrement ?
Je rejoins ma collègue Marie sur cette question : le meilleur service public est certainement celui qu’on a oublié car il était justement simple et rapide. Et pour aller plus loin, effectivement le meilleur service en ligne est celui qui n’existe pas !
Mais si je devais citer une initiative liée à tous les services en lignes, ça serait le Système de Design de l’État (oui je sais je réponds à côté).