Sélim Meziti
Expert accessibilité
Prestataire à la Direction interministérielle du Numérique (DINUM)
L’accès des citoyens à leurs droits, le bon fonctionnement de l’administration et la transformation de l’action publique dépendent pour une large part de la qualité des services numériques que l’État est en mesure d’offrir à ses usagers (plus de détails dans notre article). Pour cela, les métiers du design et de l’accessibilité sont indispensables, mais ils restent souvent mal connus ou mal mis en œuvre. Pour les incarner, nous donnons la parole à nos expertes et experts.
Aujourd'hui, Sélim Meziti, expert accessibilité (centré sur l’audit).
Quel est ton parcours ?
Ah mon parcours ! Un peu particulier, à la base je suis cuisto 😊
Au lycée, on me disait que c’est le métier le plus adapté pour moi parce que oui, je vois et j’entends pas bien, et moi j’écoute toujours les grands ; mais comme c’était pas adapté et ça ne me plaisait pas plus que ça, je me suis orienté vers le développement informatique.
En 2006, j’ai obtenu mon diplôme d’état de niveau 3 au centre d’insertion professionnel pour déficients visuels Paul et Liliane Guinot à Villejuif. En 2007, je rejoins CGI (Unilog et Logica à l’époque). J’ai passé environ 10 ans chez CGI principalement en tant développeur JavaEE pour des grands comptes.
La routine et les projets devenaient ennuyeux et j’avais l’impression de ne pas servir à grand-chose, je ne me sentais pas utile. En 2018, j’ai quitté mon employeur pour devenir freelance parce qu’on me disait que c’était trop compliqué pour moi alors il fallait que je le fasse. Depuis 2018, je suis consultant indépendant en accessibilité numérique.
Le monde de l’accessibilité numérique n’était pas nouveau mais il fallait que je valide mes compétences pour ma satisfaction personnelle. J’ai donc passé la certification EAE (Expert AccessiWeb en Évaluation) chez l’association Braillenet. J’ai en même temps passé ma certification Opquast qui est selon moi indispensable quand on travaille sur des produits digitaux.
Ta mission, c’est quoi pour toi ?
Depuis 2018, j’accompagne différentes structures comme les collectivités, les administrations et les agences web qui répondent à des appels d’offre. Je réalise des accompagnements pour intégrer l’accessibilité numérique sur chaque phase d’un produit digital. Je réalise des audits de maquettes, de la revue de code et gabarits HTML en passant par les tests de composants interactifs.
Il m’arrive d’animer des ateliers de sensibilisation à l’accessibilité numérique, notamment avec des mises en situation réelle afin d’appréhender les vrais impacts utilisateur et pas ceux qu’on s’imagine. On peut imaginer la difficulté de se déplacer dans un fauteuil roulant mais on comprendra cette difficulté en se déplaçant en fauteuil roulant. Sur le Web c’est pareil. Il faut utiliser les outils adaptés pour comprendre les vrais impacts utilisateur.
Je fais essentiellement des audits d’accessibilité sur la base du RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité).
À quoi ressemblent tes activités types ?
Comme je fais beaucoup d’audit RGAA, je réalise souvent les mêmes types de tâches :
- réunion de cadrage : parfois le client souhaite un audit complet alors que son produit est encore en phase de développement ou que l’environnement n’est pas prêt. Parfois un audit rapide est préférable. On élabore un échantillon de page qu’on valide ensuite pour l’audit.
- planification de l’audit : l’environnement et le produit sont prêts, je début l’audit en commençant toujours par naviguer sur le site comme un utilisateur lambda et un utilisateur plus éloigné du numérique et j’ai déjà un premier avis. Ensuite, je m’occupe de la partie transverse, c’est-à-dire, les erreurs d’accessibilité qui sont présentes sur toutes les pages de l’échantillon. Cela me fait gagner un peu de temps sur la réalisation de l’audit. Ça permet aussi au projet de corriger plus rapidement car les erreurs transverses seront regroupées sur le rapport d’audit final.
- Je réalise l’audit sur l’outil Ara développé par la DINUM qui permet au chef de projet d’accéder au rapport d’audit et de télécharger la déclaration d’accessibilité au format HTML.
- Quand tout est terminé, je présente les résultat dans un point de restitution en visio qui dure environ une heure durant laquelle j’introduis la session par un rappel des impacts utilisateurs et les outils utilisés pour poursuivre sur les résultats de l’audit en expliquant certains critères non conformes détectés durant l’audit. Il y a bien entendu un échange pédagogique qui permet souvent de faire monter en compétence les personnes présentes.
- Sur chaque projet, je fais un suivi après l’audit pour m’assurer que tout se passe bien et qu’il n’y a pas de question sans réponse. Si c’est le cas, on fait un point.
Le projet qui t’a le plus marqué et pourquoi ?
J’ai eu la chance de travailler sur beaucoup de projets intéressants mais si je devais en citer un seul je mettrais Télérecours citoyens sur table. Pour contextualiser, je n’ai pas fait d’audit complet sur ce projet, je suis intervenu pour faire le contre-audit après plusieurs mois de correction des non-conformités relevées lors de l’audit initial effectué un an plus tôt par deux auditrices.
Lorsque je suis arrivé sur le projet, j’ai eu la bonne surprise d’avoir en face de moi une équipe entièrement sensibilisée et formée à l’accessibilité numérique. Certaines personnes étaient vraiment très sensibles et m’ont partagé leurs travaux sur ce sujet, j’étais presque ému 😊
Quand je suis arrivé pour faire le contre-audit au Conseil d’État, le score de l’audit initial était autour de 35 %, un très mauvais score donc. L’équipe s’est formée et a intégré des personnes compétentes qui ont permis d’atteindre un score proche des 80 % sans problème bloquant. Et c’est là un succès, pas de problème bloquant.
On se rapproche doucement des 100 % mais le plus important c’est les impacts utilisateurs : est-ce facilement utilisable ?
Aujourd’hui, j’accompagne toujours ce projet et j’ai remarqué qu’ils sont attentifs à la régression lors de leur mise à jour. Ils ont prévu un audit de contrôle pour s’assurer que rien n’est négligé. S’il y a une chose fatale en accessibilité, c’est la régression. Parfois, on peut passer des mois ou des années à rendre un site accessible et en une semaine, même une journée, tout peut chuter.
Un service public en ligne que tu aimes particulièrement ?
Ce que j’apprécie le plus sur le projet Télérecours Citoyens c’est qu’il y a de la recherche utilisateur avec des tests d’accessibilité et des audits de maquettes qui selon moi sont des clés pour avoir un design inclusif.
Bien sûr, tout n’est pas parfait et ils se posent toujours la question de savoir comment simplifier cette démarche parce que c’est une démarche qui est fonctionnellement compliquée.