Entretien avec David Ruiz Martínez

VP Design
PayFit
LinkedIn David Ruiz Martínez

La « Circulaire n°6411-SG relative à la lisibilité des sites internet de l’État et de la qualité des démarches numériques », signée le 7 juillet 2023 par la Première ministre, demande à chaque ministère de désigner un responsable du design. Afin d’incarner ce rôle et ces missions, nous avons échangé avec des responsables du design en poste dans une série d’entretiens, intitulée « Paroles de responsables du design ».

Épisode 7 : David Ruiz Martínez, Vice-President Design chez PayFit.

Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle ? Quels sont vos principaux enjeux ?

Principalement mon rôle consiste à favoriser et faciliter la création d’un terrain d’expression, d’expérimentation, de créativité et d’innovation par la pratique du design. En tant que VP [vice-président] design, je travaille avec mes équipes pour construire une vision stratégique claire pour concevoir des services et des produits pertinents, responsables, performants et cohérents. Cohérents avec nous-mêmes, qui on est en tant qu’entreprise, notre mission, et cohérents aussi avec les besoins de nos clients. Un des enjeux principaux est d’allier les besoins des utilisateurs, les enjeux business, nos valeurs, la technologie et la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise pour les transformer en un service concret, tangible. Un élément clé pour réussir est d’assurer la coopération des équipes design entre elles et avec les autres départements chez PayFit. Nous essayons de tirer parti du collectif et de stimuler ainsi la créativité, le changement, le partage de connaissances et la prise de conscience des enjeux business, écologiques, d’inclusivité et d’accessibilité. Souvent plus complexes à assimiler.

Parlez-nous de votre parcours, comment êtes-vous arrivé au poste que vous occupez aujourd’hui ?

Je suis ingénieur de formation devenu designer au fil du temps grâce à la formation, les expériences, les discussions avec des pairs, des personnes du monde du design ; également avec l’envie très naturelle - à l’origine même du choix de devenir ingénieur - de comprendre et de rendre la technologie plus utile, pertinente et responsable. L’ingénierie reste loin dans le temps, mais elle a complété mon profil avec probablement une meilleure compréhension technique (même si ça change très vite et qu’il est difficile de suivre les avancées technologiques). Et aussi une forte appétence pour la compréhension systémique des systèmes complexes, comprendre le tout pour essayer de trouver quelle est la meilleure réponse, quel est le meilleur élément à concevoir qui soit pertinent et qui soit vraiment approprié. Mon parcours dans le Design a commencé dans le Telco [télécommunication], avant de se poursuivre dans la banque, la mobilité et finalement les RH ; pour des cibles B2B [Business to business, activités commerciales entre entreprises], B2C [Business to consumer, commerce entre entreprises et particuliers] early adopters [premiers consommateurs à adopter un nouveau produit ou une nouvelle technologie] et B2C mass market [grand public]. J’ai même fait du B2G, du business to government [commerce entre entreprises et entités du secteur public], dans la mobilité. J’ai eu la chance de travailler sur des projets de transformation par le design très complexes, différents et avec des impacts variés. Par exemple, travailler sur la création d’une banque à partir de zéro pour un gros opérateur Telco ; ou concevoir la transformation totale de l’expérience et de la proposition de valeur d’une application de mobilité très grand public, en France, SNCF Connect. Aujourd’hui, chez PayFit je suis ravi de pouvoir aider à simplifier et à rendre plus accessible la paie et les processus RH pour les petites et moyennes entreprises.

Comment travaillez-vous avec les autres membres de l’équipe dirigeante de votre organisation ?

Nous assurons une très forte cohésion de la triforce (Tech, Product Management et Design) structurée autour d’une puissante culture du feedback, de l'honnêteté et de la transparence. Cette culture est portée globalement et de façon organique au sein de PayFit. Le travail devient plus simple et engageant à partir du moment où la discussion et la capacité de challenger tous les acteurs de l’entreprise sont présentes de manière très sincère et bienveillante. Nous confrontons nos idées, on décide et après, on est collectivement solidaires.

En tant que VP design, vous reportez au Chief product officier [CPO, en charge de la stratégie Produit]. Quels sont les autres VP qui reportent aussi au CPO ?

En effet, je reporte au CPO avec le VP product management, le VP data et le responsable product ops.

Comment mesurez-vous l’impact de votre travail sur les résultats de votre organisation ?

L’impact du design sur le court terme est relativement facile à mesurer, ce qui est plus complexe pour nous est de mesurer l’impact sur le long terme et l’impact plus systémique de nos choix et nos conceptions. Sur le court terme nous suivons des indicateurs Business, UX, Satisfaction Client et Accessibilité par exemple. Nous mesurons la fluidité, la simplicité, la qualité de nos parcours et la pertinence du niveau d’autonomie proposé à nos clients. Finalement, nous évaluons régulièrement l’épanouissement des designers. Afin de mesurer l’impact sur le long terme, on ajoute des indicateurs qui vont nous permettre de vérifier l’adéquation de notre proposition de valeur aux principes design et à la mission et valeurs de l’entreprise. Trouver des indicateurs pour chaque élément représentatif de notre stratégie long terme est important. Finalement, des indicateurs pour mesurer notre impact environnemental peuvent être mis en place. Au quotidien il n’y a pas besoin de suivre dix mille indicateurs ; c’est important de suivre uniquement ceux qui sont très significatifs pour les personnes qui les regardent. Le CPO ne va pas regarder les mêmes indicateurs que les product designers qui sont dans une équipe de travail spécifique. Et c’est très bien.

Dernière question : quelle question auriez-vous aimé que l’on vous pose, et quelle est la réponse ?

Avec les années on grandit, on devient plus mature, souvent on est capable de mieux relativiser, de contextualiser et de prendre du recul ; de penser stratégiquement, d’avoir des convictions et de nous traiter avec plus d’exigence mais aussi de bienveillance. On connaît nos défauts et nos capacités. En revanche, j’aime imaginer qu’est-ce que mon « moi » d’il y a 20 ans me dirait aujourd’hui, quels conseils et remarques. Ça serait ma question. « Qu’est-ce que le David d’il y a 20 ans te dirait aujourd’hui s’il avait l’opportunité ?   » Je pense qu’il me dirait certainement d’être plus tactique, plus rapide, plus malin et plus rebelle. Il m’inviterait à renforcer les habitudes qui m’ont fait grandir et m’ont aidé à me définir en tant que designer, professionnel et personne : s’enrichir davantage d’autres disciplines, du passé et de l’actualité et surtout des personnes. Dédier plus de temps pour mes relations interpersonnelles pro et perso et aussi pour des nouvelles expériences. Il me dirait aussi de prendre le temps de m’écouter plus sur mes convictions mais aussi sur les signaux d’alerte. Et finalement, je pense qu’il me dirait qu’il est fier de me voir faire un travail qui me passionne.

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